• > 019 L'EXODE DES TORLATS

     


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    DE LA LORRAINE À LA DORDOGNE

    OU LA DRÔME

     17 NOVEMBRE 1940 - 18 AVRIL 1945

     

     

     

    RAPPEL

       En août 1940, le Gaüleiter Bürckel ayant reçu la mission de germaniser l’Alsace–Moselle et d’expulser tous ceux qui « n’acceptaient pas spontanément d’être des Allemands », exige en novembre 1940 le transfert vers la France non occupée des Mosellans francophones et francophiles. Les «Torlats» puisque c'est ainsi que l'on nomme les habitants de VIGY, comme de nombreux mosellans s'activent, préparant leurs bagages limités en poids à 50 kg par personne, chacun ne pouvant  emporter que 2000 francs de l'époque.

     

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    Le Gaüleiter Bürckel à Metz

    Ainsi, un premier groupe de 280 personnes montent dans des autocars le dimanche 17 novembre à 8H30 après la messe et prennent la direction de METZ où à la gare de marchandises, les wagons sont remplis au fur et à mesure de leur arrivée. Après plusieurs heures d'attente, le vapeur auquel sont accrochés des wagons en bois se met en route vers NANCY direction MÂCON puis LYON (Gare des Brotteaux) en zone libre où une soupe de la Croix-Rouge leur est servie au centre d'accueil de la gare. Le train repart vers LIMOGES où ils arrivent le 19 novembre à 1H00 du matin, pour repartir et arriver à PÉRIGUEUX. Elles atteignent leur destination, MUSSIDAN, le même jour vers 17H00 où elles sont logées provisoirement à l'hôtel de ville, à l'école et dans des centres d'accueil où elles sont ravitaillées. Ensuite, aidé par des bénévoles, chacun cherche un logement chez des particuliers ou dans des baraquements. À MUSSIDAN pour ceux de VIGY et à SOURZAC 3 km plus loin pour ceux d'HESSANGE.

     

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    Un second groupe quitte VIGY ce même dimanche 17 novembre à 12H00, composé de 28 personnes. Arrivées à METZ, constatant que le train de leurs concitoyens du premier groupe est parti, elles montent dans le suivant avec les gens des ÉTANGS, SAINT-HUBERT, BURTONCOURT et LANDONVILLERS. Après trois jours d'inconfort et d'incertitude, elles arrivent à CREST et à DIE dans la Drôme. Elles sont alors sont hébergées dans un hôpital complémentaire où elles vivent en commun, aidées par la Croix-Rouge. Après quelques semaines, le Sous-préfet de la Drôme réquisitionne des logements où enfin elles peuvent organiser leur quotidien.

    Un troisième groupe composé de 17 personnes quitte VIGY le 21 novembre et a bien du mal à rejoindre la France Libre. Finalement, sa destination sera VILLARIES, petit village perdu en Haute-Garonne. Toutes ces personnes sont logées dans une vieille bâtisse dans le plus grand dénuement. Elles manquent de tout, ravitaillement, chauffage, commodités, et dorment tous ensemble sur des matelas à même le sol. Après un mois de ces vicissitudes, les hommes partent en reconnaissance à MUSSIDAN afin d'être rattachés à cette ville et trouver à se loger. Enfin la petite colonie rejoint le gros de la troupe où tout le monde les accueille avec joie. Néanmoins, deux familles n'ont pas suivi cette voie. La première se rend à TOULOUSE où elle séjournera jusqu'à son retour au pays, et la seconde à SAINT-CLAR dans le Gers où le chef de famille exercera son métier de vétérinaire.

     

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    Carte de réfugiée établie au nom de Marie-Eugénie LESPRAND, expulsée de Vigy (Moselle)

    Source : Archives Départementales de la Moselle

     

    Ces lignes sont extraites du livre de Josette GRANDIDIER-LEONARD « LA LORRAINE DÉCHIRÉE 1939-1945 » paru aux Éditions Gérard KLOPP en 1997, dans lequel, enfant de VIGY qui a connu la condition d'expulsée, elle relate aussi fidèlement que possible les faits vécus par les habitants de VIGY et des environs durant cette période trouble. Ce livre constitue un élément de référence majeur car aujourd'hui, peu de ceux qui ont vécu cette époque tourmentée sont encore des nôtres. Cet ouvrage contribue ainsi à établir une réalité historique qu'il importe à tout prix de conserver pour les générations futures.

     

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    "L'actualité illustre parfois la nécessité de rester vigilant : le pire n'est pas forcément toujours derrière nous,il peut facilement croître sur le fertile terreau de l'oubli..."

     

     

    OMISSION 

       Néanmoins, ayant parcouru cet ouvrage à plusieurs reprises, je me rends à l'évidence qu'une famille, tout du moins une personne, a été «oubliée» jusqu'à présent dans la plus totale indifférence. Il s'agit de mon arrière-grand-père François Joseph BOURSON, veuf d'Eugénie Catherine PERQUIN, né à Vigy le 15 avril 1871 où il demeurait au N° 35 de la Grande Rue devenue à nos jours Rue Poincaré, descendant d'une fratrie attestée à VIGY depuis le XVIe siècle qui, avec sa famille, a été de la même façon expulsé et a vécu quasiment toute la durée de la guerre à SAINT-LÉON-SUR L'ISLE et à SAINT-ASTIER, communes situées à une quinzaine de kilomètres de SOURZAC et MUSSIDAN. Je dis quasiment car il est décédé le 10 novembre 1944 à SAINT-ASTIER où il avait été placé à l'hospice, dans des circonstances non élucidées laissant encore aujourd'hui la porte ouverte à des interrogations. Et pour cause, puisque parti en promenade depuis l'hospice de SAINT-ASTIER, rue du Général Galliéni, comme il en avait quotidiennement l'habitude, il aurait été retrouvé mort à demi-dévêtu dans un bois après deux ou trois jours de recherches, délesté de ses vêtements et de ses papiers (1). Il a été inhumé à SAINT-LÉON-SUR-L'ISLE le 14 novembre sans que son village natal puisse voir le rapatriement de son corps, au même titre que la grande majorité des expulsés de Vigy (2), mon grand-père ayant malheureusement laissé passer la date limite permettant l'exhumation et le rapatriement des corps fixée par les autorités. Plus tard, il s'est rapproché d'un ami Conseiller Général de la Moselle et de M. Raymond MONDON alors Député-Maire de METZ qui ont tenté d'intervenir, en vain.

     

     

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    François Joseph BOURSON 

     (1871-1944)

    Expulsé mosellan

     

    C'est pourquoi aujourd'hui, je considère qu'il est de ma responsabilité de voir son nom s'ajouter à cette liste déjà longue des expulsés de VIGY et alentours décédés au cours de cette période, loin de leur village natal.

    J'ai donc cherché à comprendre la raison qui a conduit mon arrière grand-père à se trouver à SAINT-LÉON-SUR L'ISLE, plutôt qu'avec ses concitoyens à MUSSIDAN ou à SOURZAC. Il s'avère que quelques temps avant l'exode décrété par l'occupant allemand, la fille de François Joseph, Alphonsine Marie dite Maria, l'avait fait venir par précautions auprès d'elle alors qu'elle demeurait au village de BORNY à proximité directe de METZ comme mes grands parents. C'est donc par un hasard sans doute réfléchi, que mon arrière-grand-père est parti de BORNY comme nombre de ses habitants via la gare de marchandises de METZ avec ses enfants, son gendre, sa bru, ses petits-enfants et une de ses soeurs; mon grand-père de son côté, fermement opposé à l'idée de devenir « allemand » s'étant attaché à regrouper le maximum de membres de sa famille GROSSE de BORNY et belle-famille ANTOINE de LUCY ou AUBERTIN de ROZÉRIEULLES, prévoyant dans le cas contraire une longue séparation.

     

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    L'autocar des expulsés. Ici à Gélucourt (Moselle)

     

    Empruntant le même trajet ferroviaire que les groupes partis de VIGY, tout ce petit monde arrive à PÉRIGUEUX après trois jours de voyage tout aussi difficiles que les autres expulsés, le train s'immobilisant de temps en temps afin que chacun puisse satisfaire des besoins naturels tout en restant à proximité du ballast, craignant que le train reparte, puis dirigé en autocar vers SAINT-LÉON-SUR-L'ISLE où un repas composé de pommes de terres natures avec du pâté lui est servi au café-épicerie DENIS. Il est ensuite hébergé dans les dépendances du "château" de la famille DESGRAUPES (3) durant une semaine, couchant sur des matelas rembourrés de feuilles de maïs. Seule la famille AUBERTIN restera au "château", les autres membre de la famille trouvant à se loger tant bien que mal chez des particuliers. Ainsi, mes grands-parents et ma mère séjourneront dans un petit local aménagé sommairement chez la famille TEILLEIT (ou TEILLEZ), dans une dépendance de leur ferme où ils resteront jusqu'au jour de leur retour au pays, mon grand père travaillant comme ouvrier selon les besoins des agriculteurs locaux. La famille GROSSE logera au village, côte à côte avec Marie Victorine ANTOINE veuve AUBERTIN. Quant à François Joseph, il habitera lui aussi dans le village avec Marie Alexandrine, une de ses soeurs célibataire, jusqu'au moment de son placement par nécessité à l'hospice de SAINT-ASTIER.

    Le couple ENDRES de Lucy (belle famille de mon grand-père), avec ses six premiers enfants, expulsés initialement vers les Hautes-Pyrennées, rejoindra ce groupe familial un peu plus tard et logera également dans une maison du village.

     

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    Moment de détente pour un groupe d'expulsés mosellans au café-épicerie DENIS à Saint-Léon-sur-l'Isle (Dordogne), jour de fête nationale 1944 

    Debout à gauche: François AUBERTIN, à ses cotés Denise BOURSON. Assis à partir de la droite : Marie-Louise GROSSE puis son père Marcel. Le cinquième assis au centre, coiffé de son éternel béret : Eugène BOURSON. À sa gauche, Raymond FILIUS. Au-dessus, Monsieur DENIS, propriétaire du café-épicerie du même nom, dont le petit-fils, Jean-Pierre, deviendra un célèbre réalisateur et scénariste du 7e art  (http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne_gen_cpersonne=6776.html.)

     © Photo Collection Alain LAPLACE

     

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     Au centre, Nicolas Eugène BOURSON, à droite son beau-frère Marcel GROSSE. À Saint-Léon-sur-l'Isle (Dordogne)

     © Photo Collection Alain LAPLACE

    Voila donc comment s'explique le fait que François Joseph BOURSON n'a effectivement pas fait partie d'un des groupes d'expulsés partis de VIGY. En novembre 1940, s'il ne se trouvait pas à VIGY, il restait indéniablement administré de VIGY où il résidait régulièrement. Il ne peut y avoir de vrai ou faux expulsé. Quand bien même, cela ne doit en aucune façon nuire au fait que son nom puisse apparaître dans la liste des personnes expulsées de VIGY, décédées entre 1940 et 1945 comme ceux de MUSSIDAN, SOURZAC, VALENCE, CREST, DIE, GAUMONT SUR GARONNE ou encore VOURLES. C'est pour le moins ce que je souhaite humblement afin que soit réparé cet oubli à mon sens parfaitement excusable, sans question de reproche quel qu'il soit, formulant simplement le voeu que ces quelques lignes puissent participer à enrichir la mémoire de cette époque.

    (1) L'acte d'État-civil de décès enregistré à la mairie de SAINT-ASTIER ne reflète en rien les circonstances du décès. Il comporte même des inexactitudes : 1 - François Joseph n'est pas né à FIGY mais à VIGY. 2 - Il ne serait pas décédé à son domicile à l'hospice de SAINT-ASTIER mais en un lieu non déterminé. 3 - Il est probablement décédé le 7 ou le 8 novembre 1944 à une heure non établie, non le 10 novembre à 9H00, date de déclaration faite par Lucien LAPLÉNIE secrétaire de mairie. Le certificat d'obsèques qui ont eu lieu le 14 novembre en l'église de SAINT-LÉON-SUR-L'ISLE comprend lui aussi une erreur, indiquant qu'i est décédé le 11 novembre.

    (2) Le retour à VIGY des corps des personnes décédées à MUSSIDAN entre 1940 et 1945 à eu lieu le 20 mai 1948, donnant lieu à une cérémonie.

    (3) Il s'agit en réalité d'une maison bourgeoise cossue que les expulsés appelaient "le château" (à ne pas confondre avec le château Beauséjour près de l'Isle), propriété des parents du célèbre Pierre DESGRAUPES, journaliste, écrivain, critique littéraire et professionnel de télévision, né à ANGOULÊME en 1918, décédé à  RUEIL-MALMAISON en 1993. Il repose dans le caveau familial du cimetière de SAINT-LÉON-SUR-L'ISLE.

     

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    Familles BOURSON-AUBERTIN-ENDRES expulsés mosellans, réunies à Saint-Léon-sur-l'Isle (Dordogne) 1941  

    Derrière, de gauche à droite : Oscar ENDRES, Marie Émilienne AUBERTIN épouse ENDRES tenant dans ses bras Jean-Claude, Marie Joséphine AUBERTIN épouse BOURSON, Marie Victorine ANTOINE veuve AUBERTIN, Nicolas Eugène dit Eugène  BOURSON, Eugénie Marie dite Marie HOUZELLE épouse AUBERTIN tenant dans ses bras Jacqueline, François dit Petit François AUBERTIN. Les enfants devant, de gauche à droite : Antoinette, Roland, Geneviève ENDRES, Denise Marie Eugénie BOURSON, Firmin Jean dit Jean AUBERTIN

    © Photo Collection Alain LAPLACE

     

    RETOUR AU PAYS

    Cinquante-trois mois se succèdent avec les viscissitudes que nous sommes loin d'imaginer soixante-dix ans après, avec leurs lots de joies mais aussi de peines. Je pense notamment à cette journée du 11 juin 1944 qui se termine tragiquement à MUSSIDAN par l'exécution de cinquante-quatre personnes prises en otage et fusillées par les allemands, dont deux survivront miraculeusement (1).

    La guerre prenant fin, toute la famille regagne sa chère Moselle. Auparavant, mon grand-père, méfiant, part en reconnaissance en février 1945 où il arrive au village de BORNY, y trouvant un logis sale, encombré de paille, vidé de tout son mobilier qu'il soit meublant ou usuel (ma grand-mère retrouvera à son retour du petit mobilier et du linge de literie chez des voisins ayant choisi de «rester sous la botte de l'occupant», néanmoins, ces quelques biens lui seront restitués sans peine). Deux mois plus tard, mon grand-père regagne SAINT-LÉON, considérant  que sa famile pouvait sans craintes faire le chemin inverse. Malheureusement, certains ne reverront jamais les lieux où ils sont nés : François Joseph BOURSON, dont j'ai relaté précédemment le décès, mais aussi sa fille Alphonsine Marie dite Maria épouse GROSSE qui quitte cette terre deux mois à peine après son arrivée dans le Périgord, laissant son époux Marcel et sa fillle Marie-Louise (ma marraine) âgée de treize ans désemparés.

    Mes grands-parents et ma mère, Marcel GROSSE qui sera un temps garde-champêtre du village, et sa fille regagneront ainsi leurs logements respectifs au village de BORNY, proches de la place où se dresse la statue de Jeanne d'Arc. La famille ENDRES et Marie victorine ANTOINE veuve AUBERTIN ralieront leur village de LUCY, face à face, tout à côté de l'église, et la famille AUBERTIN retrouvera le charmant village de ROZÉRIEULLES situé sur un flanc du Mont-Saint-Quentin où le «Petit François» deviendra lui aussi garde-champêtre.

    Ce que je retiens de cette "histoire", c'est que celles et ceux que j'ai pu entendre ont été unanimes sur la chaleur de l'accueil et l'aimable hospitalité qui leur ont été dispensés par les Périgordins qu'ils ont connus ou simplement cotoyés tout au long de cet exode. Ils ont toujours gardé pour ceux-ci une place privilégiée et indéfectible dans leur coeur. 

    Quatre années plus tard, je venais au monde...

    Alain LAPLACE

     

    (1) Voir article «012» http://majoresorum.eklablog.com/012-victime-en-represailles-a-mussidan-a23030440

     

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    "La réalité historique peut toujours être déniée, réparée ou complétée.

    Ce n'est qu'une question de volonté, d'honnêteté et de courage..."

     

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